Identité
Supérieur à 90 cm Huile sur toile, PeintureIl n’y a d’abord que cette surface primordiale où ne se joue qu’une aventure picturale qui s’inscrit dans une longue histoire réappropriée au féminin. Cette surface à la matière si prégnante n’offre pas reflet mais miroir sans tain qui donne sur la chambre du présent. Certains insisteront sur les visages qu’ils imaginent en représentation comme à l’arrière plan. Jane Planson ne fait pas de portraits, elle prolonge d’intenses moments de vie qu’elle incarne, elle immortalise des rencontres.
Même si beaucoup de ses toiles portent un prénom souvent associé à une qualité saisie dans l’instant, chacune synthétise de fait plusieurs modèles croisés au quotidien. Tous n’ont pas forcément posé. Si parfois l’atelier est bien froid et les formats fort grands le modèle en occupe singulièrement le centre.
Quel étrangement que ces figures souvenirs d’humains ami(e)s et amants qui ont accompagné l’artiste. Non ce n’est pas hystérie cette rage de peindre pour les sauvegarder de l’oubli. Saisis dans l’épiphanie de leurs sensations par Jane Planson leur peau devient comme la chimère de Michel Serres. Peint elle des vanités elle les légende « amour fou » ou « tendre » et leur attribue un numéro d’ordre. Comme si renommer la mort, la cadrer hiérarchie lui retirait un moment son action de nuisance. Comme si son intimité quotidienne dans l’atelier la repoussait dans le reste du monde qu’elle ne méprise pas.
En prémisse au retour du réel les années 2000 voient l’espace de la peinture se scinder comme une scène où se joue l’éternelle aventure d’une possible rencontre amoureuse ou d’un improbable conflit. Quand ses années 2003 et 2004 sont traversées par des figures de corps travaillés par le politique, par la violence de l’histoire contemporaine elle en assume la géographie humaine. Parce que toujours elle rebondit dans le dialogue et sait renouer avec la fluidité du vivant.
Si elle réussit à faire plastiquement l’économie du décor et des objets c’est pour mieux cerner la carte mentale d’une personnalité. Fut-elle imaginaire ou pour le moins idéalisée, mais toujours inspirée d’un des ces proches qui comptent. Tous réunis ils ne fondent ni corpus ni famille, pas plus communauté, juste échantillon des vivants d’un siècle et demi en quête d’authentique passion. Pour Jane Planson peindre requiert cette passation d’une exigence essentielle, d’autres l’affirment simplement aimer, elle en décline tous les modes et tous les temps.
Christian Gattinoni
Enseignant à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles depuis 1989. Christian Gattinoni mène un travail double de critique d’art et photographie depuis le milieu des années 1970.
Un pas
Supérieur à 90 cm Arts graphiques, Eau-forte, MultipleSaehan Parc arrive en France pour ses études, qu’elle effectue au sein du département Illustration de la Haute École des arts du Rhin (Hear) de Strasbourg. Elle publie ses dessins aussi bien aux États-Unis dans le New York Times qu’en Allemagne dans le Süddeutsche Zeitung . Son style très épuré fait passer le monde qui l’entoure au tamis d’une géométrie stricte, pour produire des figures singulières et attachantes, qui évoquent aussi bien les marionnettes du Ballet triadique d’Oskar Schlemmer, monté en 1922 par la troupe du Bauhaus, que la tradition du manhwa (la bande dessinée coréenne) ou encore les livres pour enfants de Stephanie Blake.
Dans l’estampe Un pas, un personnage parcourt en une seule enjambée l’espace de la feuille et donne le tempo à une foule qui semble sortir de ses pensées. Saehan Parc combine avec bonheur les instruments de la rigueur, compas et règles d’architecture, avec les matériaux de la liberté, notamment des encres colorées appliquées à la poupée (un tampon de bois emmitouflé dans un chiffon) sans précautions excessives.
En réponse à l’« éternel conflit entre le dessin et la couleur » qu’évoquaient Henri Matisse et avant lui quelques maîtres, Saehan Parc propose sa réponse. Le dessin très net a été gravé sur une plaque, imprimé sur le papier, une seconde plaque est venue y déposer des couleurs beaucoup plus libres et vibrantes — couleurs que Jean-Auguste Dominique Ingres appelait non sans une pointe d’ironie la dame d’atours du dessin —, avant qu’une troisième opération, un gaufrage, achève de donner de la puissance à l’enjambée. Une réponse qui croise, l’air de rien, aussi bien les techniques que les cultures dans un jeu qu’il faut observer de près pour constater combien il est savant. A. B.
Saehan Parc est née en 1989, en Corée du Sud. Elle vit et travaille à Strasbourg.
Eau forte et aquatinte sur papier Natural Line 280 g, 5 passages couleur.
Œuvre réalisée en collaboration avec Domitille Araï et Bérengère Lipreau à l’atelier René Tazé, Paris.
Cette œuvre a été réalisée dans le cadre de la commande Emanata.
Confiée à des auteurs de bande dessinée et à des artistes la commande d’œuvres d’art imprimé, Emanata* dévoile douze créations originales qui témoignent de la singularité de la création contemporaine et des images. Initiée par le ministère de la Culture dans le cadre de « BD 2020, l’année de la bande dessinée », cette commande, portée par le Centre national des arts plastiques (Cnap) en partenariat avec l’Association de développement et de recherche sur les artothèques (Adra) et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, d’Angoulême, vise à souligner les liens qu’entretient la bande dessinée avec les arts visuels dans la création contemporaine. Les artistes retenus, par un comité de sélection composé de représentants des commanditaires
et des artistes Marion Fayolle et Jochen Gerner, affirment leur appartenance à l’imaginaire et aux codes de la bande dessinée et de l’image graphique et développent des recherches prospectives et expérimentales. Dans la lignée de Nouvelles Vagues (2010–2018) et de nombreux autres programmes de commande menés depuis 1989, Emanata* crée également un terrain de rencontres et d’échanges de savoir-faire entre artistes et artisans d’art, tout autant passeurs d’images et d’imaginaires.
Les œuvres réalisées sont conservées au sein des collections du Cnap, des artothèques et de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et viennent enrichir un patrimoine vivant. Destinées par essence à être diffusées largement, les six cent soixante-cinq estampes sont mises à la disposition à la fois des administrations ou des services de l’État mais aussi des emprunteurs des artothèques. Ce deuxième partenariat avec l’Adra — le premier ayant donné lieu à la commande de multiples Quotidien, en 2019 — permet à nouveau de faire circuler des œuvres de l’espace collectif vers celui de l’intime et de toucher ainsi un public élargi.
Sans titre
Supérieur à 90 cm Arts graphiques, Lithographie, MultipleMembre fondateur du provocateur collectif Bazooka, Loulou Picasso, est, avec ses acolytes Kiki Picasso et Olivia Clavel, une figure majeure du graphisme et de l’illustration d’avant-garde et underground, qui a influencé une génération de dessinateurs, auteurs et graphistes. À la fin des années 1970, il collabore avec de nombreux journaux, tels Libération, Métal hurlant, L’Écho des savanes (Paris), Raw magazine (New York), New Musical Express (Londres). Il se concentre par la suite sur son activité d’artiste peintre et sur la création d’ateliers, ouverts à tous, de sensibilisation et d’apprentissage de l’image numérique.
Déjà initié aux techniques de gravure et d’impression, pour cette commande, Loulou Picasso a choisi de réaliser une lithographie. Sur cinq pierres lithographiques correspondant chacune a une couleur, l’artiste a dessiné avec des lavis à l’essence et des crayons lithographiques en inversant bien sûr son dessin, toujours en noir. L’ensemble a été fixé ensuite avec un mélange de gomme arabique et d’acide nitrique et les couleurs composées. Une pierre a été doublée pour obtenir le jeu chromatique désiré — la superposition de deux couleurs donne une troisième couleur —, se révélant seulement à l’impression.
L’œuvre ainsi réalisée incarne l’image d’une liberté rayonnante et bienveillante qui plane au-dessus d’une ville. Cette représentation d’un enfant sur un trapèze, avec comme vue plongeante l’espace urbain, est, selon l’artiste, « une irrévérence à la pesanteur, une embrasure sur un imaginaire ». Ce personnage apparaît dans plusieurs de ses peintures (la première a été reproduite dans Bazooka Production, édité par Futuropolis en 1977) et la perspective de la ville est tirée d’une photographie que Loulou Picasso a prise à Tokyo. Le damier près du visage peut être lu comme un phylactère dont le texte serait codé, il est également un élément graphique que l’on retrouve fréquemment dans les réalisations de l’artiste comme une sorte de seconde signature. I. T.
Loulou Picasso est né en 1954 à Mazingarbe. Il vit et travaille à Bazouges-la-Pérouse.
Lithographie sur papier BFK Rives 270g, 6 passages couleur.
Œuvre réalisée en collaboration avec Étienne de Champfleury, Matthieu Duringer et Laurence Lépron à l’atelier À fleur de pierre, Paris.
Cette œuvre a été réalisée dans le cadre de la commande Emanata.
Confiée à des auteurs de bande dessinée et à des artistes la commande d’œuvres d’art imprimé, Emanata* dévoile douze créations originales qui témoignent de la singularité de la création contemporaine et des images. Initiée par le ministère de la Culture dans le cadre de « BD 2020, l’année de la bande dessinée », cette commande, portée par le Centre national des arts plastiques (Cnap) en partenariat avec l’Association de développement et de recherche sur les artothèques (Adra) et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, d’Angoulême, vise à souligner les liens qu’entretient la bande dessinée avec les arts visuels dans la création contemporaine. Les artistes retenus, par un comité de sélection composé de représentants des commanditaires et des artistes Marion Fayolle et Jochen Gerner, affirment leur appartenance à l’imaginaire et aux codes de la bande dessinée et de l’image graphique et développent des recherches prospectives et expérimentales. Dans la lignée de Nouvelles Vagues (2010–2018) et de nombreux autres programmes de commande menés depuis 1989, Emanata* crée également un terrain de rencontres et d’échanges de savoir-faire entre artistes et artisans d’art, tout autant passeurs d’images et d’imaginaires.
Les œuvres réalisées sont conservées au sein des collections du Cnap, des artothèques et de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et viennent enrichir un patrimoine vivant. Destinées par essence à être diffusées largement, les six cent soixante-cinq estampes sont mises à la disposition à la fois des administrations ou des services de l’État mais aussi des emprunteurs des artothèques. Ce deuxième partenariat avec l’Adra — le premier ayant donné lieu à la commande de multiples Quotidien, en 2019 — permet à nouveau de faire circuler des œuvres de l’espace collectif vers celui de l’intime et de toucher ainsi un public élargi.
MANTRA (Une main toute seule ne fait pas de bruit)
Supérieur à 90 cm MultipleÉtymologiquement, un mantra est une formule condensée, répétée sans cesse avec un certain rythme, dans un exercice
de méditation ou à des fins religieuses. Une main toute seule ne fait pas de bruit est un MANTRA de l’artiste Marianne Mispelaëre.
MANTRA est une typographie créée en 2018. En répétant mentalement et indéfiniment une phrase, les lignes de texte se rencontrent – la partie inférieure se colle à la partie supérieure de la ligne suivante et composent ainsi de nouvelles lettres.
« MANTRA me sert à écrire des phrases invitant à la fuite en avant, c’est-à-dire la résistance par la discrétion et la création. Elle invite à s’autoriser à agir selon ses aspirations, à ne pas se contenter. MANTRA donne de la force à celui/celle qui le lit, le porte, ou l’écrit.»
Avec pour principal champ d’action le dessin, elle produit et reproduit des gestes simples, précis, éphémères, inspirés de phénomènes actuels et sociétaux. « J’observe les relations sociales. J’étudie le langage, sa structure, pour repenser ses formes conventionnelles. Mon action consiste à enregistrer ce qui d’apparence n’existe pas, à faire apparaître l’implicite, à donner la parole, à révéler les hypnotisations, les vulnérabilités, autant que les désirs et les impulsions collectives ».
Marianne Mispelaëre est née en 1988 et vit et travaille à Aubervilliers.
Sans titre
Supérieur à 90 cm Lithographie, MultipleNé à Paris, l’artiste a vécu plusieurs années dans la célèbre cité d’artistes de La Ruche, dans le XVe arrondissement, où il a côtoyé Brancusi. Peintre figuratif mais aussi abstrait, il était proche de Picasso et de Fernand Léger. Influencé par le cubisme picassien, c’est cependant surtout dans l’art de la couleur de Matisse que Marcel Mouly a trouvé sa source d’inspiration majeure.
C’est en 1948 que Marcel Mouly a vu son premier tableau intégrer les collections nationales françaises. Ses peintures ont été exposées dans le monde entier, notamment en Suède où il était très connu. La dernière exposition de ce peintre décoré de la distinction de chevalier de l’Ordre des arts et des lettres remonte à 2007, à Paris.
Sans titre
Supérieur à 90 cm Encre, Huile sur toileFabien Mallet expérimente les différentes formes que peut prendre un fluide. Dans ce qu’il nomme les Callifluides (Fluides Calligraphiques), il travaille la peinture à l’huile sur une toile posée au sol. Mallet compose alors avec tous les possibles résultant de la mécanique des fluides : gravité, inertie, pression, tension superficielle et viscosité pour parvenir au résultat recherché. Le monochrome noir permet de valoriser les formes obtenues en sculptant à sa surface les réflexions des différentes sources lumineuses.