Artothèque – Acquisitions 2021

Depuis 2017, une politique d’acquisition soutenue est mise en place afin de faire entrer dans la collection un plus grand nombre d’artistes contemporains et d’accroître ainsi les possibilités d’emprunts offertes aux adhérents de l’artothèque. Cette année, ce sont 21 œuvres de 10 artistes qui viennent enrichir la collection de l’artothèque.

Marc-Antoine Garnier

Le détail n°1, 2020, ensemble de 2106 points de photographie, impression numérique découpée, 50×60 cm.

La série Le détail regroupe un ensemble de photographies découpées minutieusement à la poinçonneuse afin d’obtenir des points. Chaque photographie est ainsi constituée d’un ensemble de 2106 points.

Véritable travail de fragmentation de l’image, la recomposition minutieuse permet également à l’artiste d’explorer la relation que l’image peut ici entretenir avec la sculpture comme travail de volume et de relation à l’espace. Chaque regardeur se retrouve ainsi devant une image mouvante d’une certaine manière : la perception de chaque regardeur varie selon la distance et le point de vue depuis lequel il observe chaque photographie.

Jennifer Caubet

Topographies relatives #5, 2014, sérigraphie, 30×40 cm.

Si la topographie consiste à mettre en forme un lieu en le recomposant selon un système abstrait de points et de lignes, elle se rapporte surtout dans mon travail à la réalité variable de ces espaces “entre” les lignes. C’est précisément cette réalité variable entre les lignes qu’explore Topographies relatives.

En prenant deux outils archaïques de la cartographie, la ligne de rumb et la mise aux carreaux comme motif, ces sérigraphies ont vues le jour en jouant par principe de variation et de superposition.

Topographies relatives est issue d’une série de 10 tirages uniques.

Emma Genty

Trop beau I, 2020, héliogravure, 33×25,7 cm.-

Face aux diverses situations d’enfermement que la pandémie a générée, Emma Genty a compensé cette impossibilité de sortir en s’échappant dans des magasines de tourisme et de sciences et explorations.
De ces échappées, la série « Trop Beau », compositions de faux paysages, a vu le jour. L’illusion de nature véritable est omniprésente car ces environnements inaccessibles sont créés à partir de découpages de photographies touristiques, ensuite reproduits en héliogravure (procédé datant du XIXe siècle, ce mode d’impression de photographies est réalisé par transfert d’image sur une plaque de cuivre à l’aide d’un papier gélatiné). « Trop Beau » est une série qui s’allonge avec le temps car chaque élément peut être réutilisé et composer de nouveaux paysages.
« L’essence de l’art ne consiste pas dans la conscience du jamais vécu auparavant (never before experienced) mais bien de la recréation de la dimension bio-culturelle » – Juhani Pallasmaa

Marianne Mispelaëre

MANTRA, 2018-2021, dessin typographique, impression numérique, 120 x 160 cm.

Étymologiquement, un mantra est une formule condensée, répétée sans cesse avec un certain rythme, dans un exercice de méditation ou à des fins religieuses.

« MANTRA est une typographie créée en 2018. En répétant mentalement et indéfiniment une phrase, les lignes de texte se rencontrent – la partie inférieure se colle à la partie supérieure de la ligne suivante et composent ainsi de nouvelles lettres. MANTRA me sert à écrire des phrases invitant à la fuite en avant, c’est-à-dire la résistance par la discrétion et la création. Elle invite à s’autoriser à agir selon ses aspirations, à ne pas se contenter. MANTRA donne de la force à celui/celle qui le lit, le porte, ou l’écrit.
Au printemps 2020, pendant le confinement lié à l’épidémie de COVID 19, face aux restrictions et à la désorganisation de nos sociétés, j’ai eu besoin de MANTRA pour me donner de la force. La typographie a incarné un ensemble de phrases que je me répétais mentalement. »

Anne Frémy

BangKok, 2002, sérigraphie en 4 couleurs recto verso, 70×100 cm

Images de Bangkok entre architectures vernaculaires et delirium futuriste, images définitives de l’occidentalisation du monde.

Edité par le Cneai =, Chatou avec Tant § Temps Paris, partenaire. 

Cécile BICLER

Les rencontres, 2017, crayons de couleur, pastel gras sur papier, 52×52 cm

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Wendy and doc, 2019, crayons de couleur, pastel gras, acrylique, gouache, scotch sur papier, 52,3 x 42 cm.

Wendy est le prénom de la mère de l’enfant dans The Shining, en français Shining : l’enfant lumière (film de Kubrick, 1980), et Doc est le surnom que donnent ses parents à Danny, leur fils. L’enfant lumière, sous-titre donné par Stephen King à son roman, traduit la part humaniste et la vision progressiste de l’auteur pour la famille.
Dans le récit de Stephen King, Danny est le passage obligé si la mère veut survivre à la folie destructrice de l’hôtel maléfique (l’hôtel Overlook est le récepteur de la violence du monde inhérente à une société capitaliste, dominatrice, blanche et riche – cette lecture est clairement exprimée dans le roman).
Ce dessin est réalisé d’après une capture d’écran du film. Il représente la scène où la mère (Wendy) saisit son fils Danny (surnommé Doc) par les bras pour l’inciter à parler suite au passage dans la fameuse chambre 237. Pour lui éviter de basculer dans la folie, Wendy, en saisissant son bras, s’adresse directement à son inconscient pour le rassurer. C’est à ce moment clé du film de Kubrick et du livre de Stephen King que Wendy, la mère, se retourne contre le père pour protéger son enfant. « J’ai voulu dessiner cet instant précieux de la connexion entre les corps, qui est une convergence des énergies, nécessaire aux luttes des dominés pour renverser les situations d’exploitation et de domination (par la force ou parfois par l’amour) d’affronter les forces du mal, ou des mâles dominants ».
L’univers de Cécile Bicler est fortement influencé par le cinéma de genre, où les films d’horreur tiennent une place de premier plan. Les dessins de l’artiste font écho à sa pratique du montage cinématographique. Pour des raisons également d’économie et inspirée par le cadrillage comme méthode de report, elle dessine essentiellement sur des formats A4 ce qui l’amène à découper l’image et à la recomposer telle une grille.

Julia Borderie

Koud 009_LP09, Mustapha Dehdah [La Pause 2], 25 janvier 2019, gaufrage,, exemplaire 2/3, réalisé en collaboration avec Eloïse Le Gallo, 70,2 x 59,3 cm.

Koud 002_LP02, Youssef Boutghrida, 24 janvier 2019, gaufrage, exemplaire 3/3,  réalisé en collaboration avec Eloïse Le Gallo, 70,2 x 59,3 cm.

De la rencontre avec Mohamed Akaskous, chercheur dans le patrimoine hydraulique marocain nait un récit autour de l’organisation sociale de sa maison et des besoins en eau qui y sont liés. Pour illustrer son propos, Mohamed dessine le plan de sa maison puis les canalisations hydrauliques. Il s’agit d’une image mentale, d’une projection puisque ces réseaux ne sont pas visibles. Ce processus est répété auprès de plusieurs personnes pour collecter une série de schémas. Les artistes proposent une interprétation de ces schémas via l’agrandissement et la technique du gaufrage à la main, en écho à l’eau fantomatique du désert d’Agafay au Maroc qui pourtant façonne les reliefs visiblement.

Julia Borderie (FR, 1989) et Eloïse Le Gallo (FR, 1989) travaillent ensemble depuis leurs sortie des beaux arts. Anciennes élèves de L’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy et des Beaux-Arts de Paris. Eloïse Le Gallo et Julia Borderie mettent au centre de leur démarche la rencontre, en ancrant leur processus créatif dans une approche documentaire poétique. Les formes surgissent de l’interaction avec les personnes rencontrées, les lieux, objets quotidiens et imaginaires locaux. Le sens se construit dans la plasticité des créations comme une mémoire sensible des rencontres humaines.

Vera Molnàr

Grecque après tremblement de terre th, 2004

Impression numérique sur traceur 38 séquences avec 40 motifs géométriques successifs différents de couleur sépia sur support de toile de coton, 60×100 cm.

L’artiste, avec humour, bouscule la grecque,  motif d’ornement antique formé d’une ligne droite brisée effectuant des retours en arrière et constituant une bande. Œuvre graphique à caractère géométrique en tissu imprimé sépia vendue au mètre.

La pratique picturale de Vera Molnár peut être assimilée au courant de l’abstraction géométrique, qui se développe au cours des années 1950. Sa peinture est marquée par un vocabulaire élémentaire fondé sur la ligne, le cercle, le carré ou encore le méandre. Depuis ses débuts, elle développe une intense réflexion théorique sur les moyens de la création et les mécanismes de la vision. À partir de 1968, elle devient l’une des pionnières de l’utilisation de l’ordinateur dans la création artistique, un outil qui, selon ses termes, lui permet de « se libérer d’un héritage classique sclérosé » tout en conservant la pleine maîtrise de ses compositions. Vera Molnár enrichit ainsi une œuvre déjà renommée par de nouvelles constructions systématiques aux couleurs éclatantes.

Edité par le cneai =, Chatou et l’artothèque d’Auxerre.

Leonor Antunes

Grid dancing, 2013, 8 affiches, impressions offset d’après photogrammes, 50×40 cm.

Huit grilles dansantes, « grid dancing » sont ainsi proposées par Leonor Antunes comme environnement à l’exposition Reading dace. Une expérience optique et physique autant qu’intellectuelle, réalisée à partir de photogrammes de grilles industrielles métalliques de Porto au Portugal directement posées sur du papier photo. Réalisées dans le cadre de Reading dance, en réponse à la série d’images de Bruno Munari intitulée « Ricerca ella comodità in una poltrona scomoda » (A la recherche du confort dans un fauteuil inconfortable), publiée pour la première fois dans la revue Domus en 1944 afin d’illustrer un article qu’il consacre, avec humour, à la prolifération des formes assises et à leur inconfort.

Leonor Antunes appréhende son œuvre comme un métissage entre des procédés vernaculaires et l’héritage culturel du modernisme. Elle fait souvent référence à travers un subtil détournement, une divergence, un basculement au statut actuel de ce patrimoine et de cette avant-garde, à ses formes géométriques spécifiques, à des motifs et structures conçus par des architectes et designers du début du vingtième siècle.
Plus spécifiquement, Leonor Antunes convoque d’autres artistes, généralement des femmes du XXe siècle, souvent peu connues ou oubliées tels Anni Albers, Lenore Tawney, passées maître dans l’art du tissage et de la conception textile, ou encore Greta Magnusson Grossman, designer et architecte. Elle leur rend ainsi un hommage qui s’apparente parfois à un devoir de mémoire féministe.

Albane Hupin

« La Conservation de la Matière », série de photographies en impression numérique contrecollées sur aluminium, 85×56 cm et 70×50 cm.

La pratique actuelle d’Albane Hupin s’inscrit dans une réflexion sur une transformation continue d’une œuvre à l’autre, d’une œuvre qui évolue et se transforme au fil du temps. Une œuvre mobile, en mouvement permanent. En 2018, elle entame une réflexion et une profonde remise en question de son travail et surtout des éléments constitutifs de sa pratique : les supports, leurs traitements, les motifs révélés par les processus et l’origine des matériaux utilisés. Elle commence à travailler avec des teintures naturelles végétales, renouant ainsi avec sa formation première de design textile, évacuant les bombes aérosols à solvant. De cette remise en question est née silva. Les tableaux qui composent silva sont teints à l’écorce de chêne, la noix de galle, deux teintures tanniques utilisées pendant des siècles afin d’obtenir certaines teintes brunes et foncées mais aussi pour le tannage des peaux. L’arbre est ici la source de matière colorante.
Faite de plusieurs pièces et tableaux, l’installation silva peut se déployer, se replier ou se fragmenter pour devenir autre. Elle questionne la peinture et ses matériaux, l’espace, la couleur, la perception, la mobilité, l’illusion, dans une dialectique permanente entre l’aléatoire du processus de teinture et du pli, et les aplats construits qui redessinent un espace, dans, avec et autour du tableau. Installation mouvante et mobile.
Poreuse et malléable, l’installation silva intègre des éléments d’autres séries, telle la série photographique La Conservation de la Matière issue de captations prises dans l’atelier des toiles trempées et teintes avant qu’elles ne soient tendues sur châssis. La Conservation de la Matière reprend en titre le nom de cette loi scientifique de chimie émise par Lavoisier au 18ème siècle qui promulgue que dans une réaction